Note for myself : penser à raccourcir mes posts
Après le témoignage-sabordage de Moussaoui, les plaidoiries finales des deux
parties étaient hier assez surréelles : un avocat de la défense qui demande de
ne pas prendre au sérieux les déclarations de son menteur de client et
l’accusation qui insiste sur le fait que Moussaoui, accusé d’avoir menti pour
couvrir le 11 septembre, ne serait pas du genre à mentir à la barre.
Ensuite, les jurés sont partis délibérer, enfermés de 8h30 à 16h30 avec un
break de déjeuner d’une heure et suspension des délibérations quand l’un d’eux
va faire pipi. « A mon avis, ils vont y passer au moins une semaine »
estimait l’avocat de Moussaoui à la sortie.
Dehors, Arnold qu’après trois
semaines de procès j’appelle désormais Arnie, cherchait à connaître les
pronostics des uns et des autres. « So we have a “no” here, a “no”
here and Steve ? » « The needle. » L’injection. Steve, l’écrivain, était le seul à
être catégorique. Un membre d’une famille a dit qu’il penchait pour le “oui”
mais que l’argumentaire du gouvernement lui semblait tiré par les cheveux. « Ce
n’est pas un yes beyond a reasonable doubt » a-t-il dit, à propos de la
question posée aux jurés.
La question posée aux jurés n’est pas celle de la condamnation, à mort ou
à perpétuité. La juge a vraiment insisté sur ce point. Pour le moment, ils
doivent juste répondre si oui ou non, les mensonges de Moussaoui ont eu pour
résultat direct la mort d’au moins une des victimes du 11 septembre. La
question est découpée en quatre : est-ce qu’il a menti, est-ce qu’il a
menti dans le but de faire des victimes etc… S’ils sortent de leur retraite ayant répondu oui aux quatre
questions, alors on passera à la phase suivante : déterminer la punition
adéquate.
C’est parce qu’il ne s’agit pas encore pour les jurés de discuter de la sentence que la juge a interdit à la défense de parler de martyr dans
la plaidoirie d’hier. Le procureur était déjà agacé parce que MacMahon avait ouvert le
procès en disant aux jurés « n’en faites pas un martyr. » C’est un des arguments massue des procès de terroriste : dire aux
jurés qu’ils risquent de faire un martyr s’ils condamnent l’accusé à mort et
que c’est d’ailleurs juste ce qu’il demande.
Le problème dans le cas du témoignage suicidaire de Moussaoui, c’est
qu’invoquer sa volonté de mourir est, pour son avocat, la manière la plus
efficace de discréditer l’intervention dans laquelle il s’est vanté d’avoir prévu
de piloter un cinquième avion le 11 septembre. C’est en février qu’il avait
pour la première fois évoqué ce scénario. Il avait proposé au gouvernement de
témoigner contre lui, d’expliquer qu’il comptait être le cinquième pilote, en
échange de meilleures conditions de détention entre sa condamnation à mort et
son exécution. Ecoutez avec quel talent MacMahon a invité les jurés à se méfier du témoignage de Moussaoui sans
jamais prononcer le mot martyr : « Vous
regardez tous la télé. Vous savez qu’ils (les accusés) témoignent rarement,
pour ne pas s’incriminer (…) on voit rarement un accusé offrir de témoigner
pour le gouvernement. Demandez-vous pourquoi un accusé offrirait de témoigner
contre lui à son propre procès. (…) Il est manipulateur. Il a admis travailler
à la propagande d’al-Qaïda. Il essaie de s’écrire un rôle dans l’Histoire. (…)
Il a dit au FBI qu’il ne voulait pas passer le reste de sa vie en prison.
Est-ce qu’il a dit ça en pensant qu’on le renverrait chez lui en
France ? »
mars 30, 2006 | Permalink | Commentaires (4)
Le Mercredi c'est Moussaoui
Chaque jour, je vous ai déjà expliqué que c’est la foire d’empoigne pour
avoir droit aux 8 places réservées au public dans la salle du tribunal. Au
public, c’est une façon de parler. A part Arnold-le-dentiste et Larry l’ancien
Marine, ce sont des journalistes, des employés du tribunal et des juristes des deux
camps d’avocats qui se battent pour les places. Ceux qui ne sont pas parmi les
8 premiers sont envoyés dans une autre salle où le procès est retransmis. Or
dans l’ « overflow room », on ne peut pas voir les visages des
jurés – anonymes – que chacun cherche à scruter et aujourd’hui c’est le jour
des plaidoiries finales. Même les parents et la femme d'Edward MacMahon, l'avocat vedette de la défense sont là.
Normalement, le tribunal ouvre à 8h le matin. J’arrive
une heure plus tôt et je décroche ma place derrière Arnold. Mais aujourd’hui,
les plaidoiries ont lieu à 13h, la distribution des stickers a lieu à 11h30
et le tribunal était déjà ouvert. Où doit-on attendre ? Interdiction de
traîner devant la salle du tribunal au 7èmeétage « revenez à 11h30. » A la caféteria
du 2ème, un petit groupe auto-organise une liste dans l’ordre d’arrivée. A 11h,
panique. Et si d’autres hors liste nous court-circuitaient ? Le groupe prend la
direction des quatre ascenseurs. On attendra au 8ème, on sera plus
près, indique l’assistante de MacMahon qui veut arracher un sticker pour la
femme de son patron. « Et si d’autres montaient plus vite du rez-de
chaussée ? » demande un journaliste. On remonte dans l’ascenseur. On
tente le coup au 7ème. « On vous a dit 11h30. » On remonte dans
l’ascenseur. « Et si on bloquait l’ascenseur au 7ème en se
cachant au fond de l’ascenseur ? » demande Larry l’ancien Marine. Impossible,
on est trop. Ca se verrait. Plusieurs râlent, ils disent que ce n’est vraiment
pas professionnel de la part d’un tribunal fédéral de laisser faire des choses
pareilles. Quelqu’un appuie sur le 6. Puis le 10. « On a qu’à
sortir » dit quelqu’un. Personne ne sort. « Il est 11h22 » dit
un journaliste américain qui porte son badge d’embedded d’Afghanistan. On
repart au 6. Au 8, les portes s’ouvrent. En face de de l’autre ascenseur
dont les portes se sont aussi ouvertes. Un autre groupe est face à nous.
Exactement ce qu’on craignait. Cette fois, on appuie sur le bouton 7 de toutes
les mains. Au 7ème, les deux groupes sortent en même temps. “Une seule file” réclame
les agents de sécurité qui ont décidé de fermer les yeux sur le fait qu’il
était 11h28. Les deux lignes s’écrasent littéralement l’une sur l’autre dans les jurons.
« Hey you ! » crie une voix à l’accent français. La vizirette* attrape par le col de chemise un type
qui a tenté de grapiller une place et le fait voler comme un Romain d’Astérix à
l’arrière de la queue. La distribution de stickers a commencé. Personne du
groupe n’obtient le noir, celui qui permet d’entrer dans la salle, sauf
Arnold-le-dentiste. « Tout ça, ça se joue à quelques secondes
d’ascenseur » m’explique t-il à la caféteria. Et ceux qui étaient devant
lui, comment avaient-ils fait ? « Ils travaillent pour le
District Attorney Office. Ils ont utilisé l’ascenseur des marchandises. »
*La vizirette est la correspondante d’une chaîne de télé française. Elle s’est gagnée ce surnom il y a une quinzaine d’années quand un confrère l’a qualifiée de petite boule qui se met partout.
Add. 30.03 : la journaliste de la radio publique NPR était dans un ascenseur concurrent.
mars 29, 2006 | Permalink | Commentaires (4)
Moussaoui s'est défendu
Ca a duré 30 secondes. C'était quand le procureur lui a dit que conduit à la prison de New York, il avait dit "Fuck America" en voyant les ruines fumantes du World Trade Center. Non, a t-il dit, il n'aurait jamais dit "the F Word." Pas son genre. C'est le seul moment où, pendant trois heures à la barre, il s'est vraiment défendu de quoi que ce soit.
Au passage, si vous voulez savoir à quoi ressemble la juge Brinkema ou le porte-crayon dont je vous avais parlé, allez regarder par dessus l'épaule de mon petit camarade de Libé. De la graine d'Art.
mars 28, 2006 | Permalink | Commentaires (4)
6 is the new 7
Je croyais que je vieillissais, j’étais juste dans l’air du temps. Les
compagnies d’eaux et d’électricité observent des hausses de consommation de
plus en plus tôt, rapporte le Wall Street Journal de ce matin. Les magasins de fournitures
de bureaux Staples ouvrent à présent à 7h au lieu de 8. CNN démarre son « American Morning » à 6 heure au
lieu 7, CNBC a rajouté une émission business à 4h.
L’article est bourré de témoignages
déprimants : le PDG de JC Penney qui se lève à 4h45, celui de Southwest
Airlines à 5h et qui appelle sa femme en voiture à la même intersection tous
les matins, le directeur d’une école de parachutisme dont
les clients passent avant le travail («once they face their mortality in
the morning, they can just walk through their day»). Heureusement, il y a
Hugh Hefner, Monsieur Playboy, qui se réveille en fin de matinée, prend son petit
déjeuner au lit, puis «change out of one pair of pajamas and into
another.»
mars 25, 2006 | Permalink | Commentaires (4)
Arnold, dentiste analyste du procès Moussaoui
Chaque jour, le tribunal d’Alexandria garde une dizaine de places pour le
public, accordées aux premiers arrivés. Chaque matin, Arnold est là le premier,
à 7h20. Arnold a 69 ans, des cheveux blancs et des baskets blanches. C’est un
fana de justice, il a vu chaque épisode de Law and Order trois fois. Une de ses
patientes travaillait pour le bureau du procureur. C’est comme ça qu’il a eu
l’idée d’assister à un procès. Le premier, c’était une affaire de trafic de
drogue. Et depuis trois ans, il vient s’asseoir dans la salle pour tous les
grands procès qui se tiennent dans ce tribunal fédéral. Celui de membres du
gang MS13, par exemple, «talk about excitement !»
Après ses premiers procès dans le public, il a compris qu’il lui manquait
des éléments, il a pris des cours de droit. Depuis, rien ne lui échappe.
Lorsque la juge a interrompu le procès après avoir découvert qu’une avocate de
l’aviation fédérale avait manipulé les témoins, tout le monde attendait le
témoignage de l’avocate. Arnold, à 7h20, m’avait dit, « mais est-ce
qu’elle n’aura pas elle-même besoin d’un avocat ? ». Une heure plus
tard, l’avocate traversait la salle en deux minutes, le temps de dire qu’elle
n’avait pas encore d’avocat. Arnold m’a fait un petit sourire au dernier rang.
Car Arnold s’assied toujours au même endroit. Un jour, je lui ai gardé une
place à côté de moi au deuxième rang. Il s’est tortillé sur le banc, « on
ne voit pas bien d’ici », le lendemain, il retournait au dernier rang. Ah,
et autre chose, Arnold trouve que le « procureur parie beaucoup sur
l’émotion » mais n’a « toujours pas entendu d’argument
convaincant » de responsabilité directe de Moussaoui dans les attaques du
11 septembre.
mars 24, 2006 | Permalink | Commentaires (6)
J'aime les balades en forêt et les bonnes mutuelles
Le Wall Street Journal relève aujourd’hui que sur les sites de rencontres,
il est de plus en courant de mentionner sa couverture médicale, parmi ses attraits
ou parmi ses exigences. Le journal fait le rapprochement avec la nouvelle
saison de Desperate Housewives – attention, si vous n’en êtes qu’à la première,
arrêtez de lire ici – dans laquelle Teri Hatcher se remarie avec son ex pour
pouvoir bénéficier de sa mutuelle. L’article m’a rappelé cette femme d’une
cinquantaine d’années rencontrée à la Nouvelle Orléans il y a quelques années. Elle
était antiquaire et venait de divorcer de son mari, policier. «Je n’ai
pas pris de mutuelle, à mon âge ça coûte une fortune et j’ai toujours eu une
santé de fer.» Quelques mois plus tard, on lui a diagnostiqué un cancer
du sein. Pour payer ses traitements, elle dût vendre sa maison et son magasin. Je
suis tombée sur elle à mon hôtel où elle était femme de ménage entre ses heures de travail à l'usine.
mars 22, 2006 | Permalink | Commentaires (7)
Au salon du livre
C’était aujourd’hui le salon du livre et je remercie les visiteurs de ce
blog qui sont passés sur le stand C89 et m’ont permis de faire bonne figure
quand d’autres faisaient la queue pour serrer la main de Poulidor, se faire
signer un livre de Poulidor, se faire prendre en photo avec Poulidor, dire à
Poulidor que « quand même, c’est quand même dommage… »
Comme on pouvait le craindre, Poulidor est très sympa. Dans un petit creux
du salon, il nous a raconté comment il avait plumé Eddy Merckx et Bernard
Hinault au poker (« quand tu joues à trois, si tu dis parole t’es marron »).
On a aussi appris dans la foulée que Jacques Anquetil avait un tic quand il
avait du jeu. Injuste, l’Histoire, pour les classer, n’a pas tenu compte de
leurs résultats aux cartes.
A sa gauche sur le stand, il y avait Charles Cogan, un ancien de la CIA,
auteur de « Diplomatie à la Française », un ouvrage un peu moins
grand public que « Poulidor par Poulidor. » Une petite fille et un
petit garçon qui n’avaient pas 18 ans à eux deux sont venus se planter en face
de ce monsieur à cheveux blancs en cravate. « Vous signez des
livre ? » Il a dit oui. « Vous pouvez nous en signer
un ? ». Il a dit oui au moment où l’éditeur intervenait doucement
« euh, vous avez un peu d’argent pour acheter le livre ? ».
« Non pas celui-là, a dit la petite fille, celui-là ». Ils ont sorti
de leur sac un livre d’enfants avec des grosses fleurs et des animaux de la
ferme. Charles s’est exécuté très sérieusement.
mars 19, 2006 | Permalink | Commentaires (7)
Le post incompréhensible du vendredi
Il force un auto-stoppeur à manger de la pizza.
"I've been doing this 11 years, and I've never run across anything like that
-- I've never seen anybody hold anybody at knifepoint and demand that they drink
wine and eat pizza," Dobson said.
(...)
The lesson, Dobson said, is "Don't hitchhike. You never know who you're getting
in the car with."
mars 18, 2006 | Permalink | Commentaires (3)
Salon du Livre
J'y serai dimanche après-midi sur le stand C89.
mars 16, 2006 | Permalink | Commentaires (5)
Le mystère du pot de crayons du procès Moussaoui
Au tribunal, j’ai devant moi les six avocats du procureur et de la défense, j’ai vue sur six gros dos d’hommes enveloppés dans des couleurs qui vont du gris foncé à l’anthracite. Le décor du tribunal n’est pas très riant non plus : moquette sombre et boiseries foncées, marbres et lampes à aigles dorés sculptés, et puis des drapeaux au mur. Au milieu de toute cette sévérité, le pot à crayons posé sur la table de la défense. Il est bidouillé à la glaise peinte en blanche, modèle cadeau de fête des mères de l’école Jacques Prévert. Je ne comprends pas ce qu’il fait là. Ni la juge, ni les procureurs n’ont de pot à crayons sur leur bureau. D’ailleurs les avocats de la défense sont évidemment équipés en stylos. Je ne les ai jamais vus piocher dans le pot.
P.S : le pot à crayon de l'illustration n'est fidèle que dans l'esprit à l'original.
mars 15, 2006 | Permalink | Commentaires (4)